Titolo: IL VIAGGIO - Foglio mensile torinese - Numero 6 - avril 2002

...Ulisse, Ulisse, quanti sono gli anni del tuo viaggio ? Gli dèi nemici ti han gettato in mezzo alla tempesta, ti han fatto profugo in ogni paese.

Anche Itaca, oramai, ti è straniera.

Fai ancora vela, Ulisse,sfida gli dèi del mare, causa la loro rovina

Solo allora ritroverai la strada di casa...

Numero 6 - avril 2002

***Cette fois,** nous parlerons de nous. De notre petite aventure, des rapports et de la complicité qui en sont nés. Il y a quelques semaines, nous étions à Porta Palazzo pour distribuer « Il Viaggio » et d’autres lectures contre les rafles policières au détriment des clandestins, contre les expulsions, contre les lagers. Mais, dans la rue Cottolengo, une patrouille de carabiniers nous a arrêtés : ils voulaient nos papiers, les permis pour distribuer le journal... ils voulaient tout simplement nous faire partir. Un contrôle banal, comme il y en a souvent. Mais cette fois, près de notre stand sont arrivés plusieurs dizaines de personnes, presque tous étrangers, qui se trouvaient dans cette rue de passage, pour vivre ou pour travailler. Même menacés par les carabiniers - qui voulaient règler le problème « entre italiens » -, ils sont restés auprès de nous, à nous soutenir et à nous défendre. Et même quand les carabiniers ont essayer d’utiliser la manière forte - avec peu de résultats, d’ailleurs - aucun d’eux n’a bougé : au contraire, de plus en plus de personnes venaient nous aider. A la fin, les carabiniers n’ont pas réussi ni à identifier ni à prendre personne.
La solidarité, celle de la rue, n’a pas besoin de longs discours. Ce matin-là, il a suffi reconnaître l’ennemi commun, les carabiniers. Ennemi qui, dans ce cas-là, s’en prenait à nous, mais qui dans beaucoup d’autres a pris, frappé ou emprisonné beaucoup de ces personnes venus à notre stand. Les papiers, les cartes d’identité que les carabiniers exigeaient de nous cette matinée-là, beaucoup de ces personnes-là ne les ont pas : c’est pour ça que nous avons choisi de ne pas les donner nous non plus. Parce que nous n’acceptons pas qu’un bout de papier divise les exploités entre eux, parce que dans un monde où nous sommes de plus en plus pauvres, plus seuls, plus contrôlés, nous sommes tous étrangers, nous sommes tous clandestins.
Ces personnes-là, ce matin-là, nous l’ont démontré : la fraternité, la solidarité, la complicité ne sont pas liées à une soit-disante identité nationale. Être frères et soeurs, compagnons de voyage et de lutte, signifie reconnaître les maux communs et qui les crée ; ça signifie voir concrètement son ennemi et avoir conscience qu’il faut commencer à se parler et à s’organiser pour leur resister. Nous voulons donc les remercier, ces personnes-là, pour leur solidarité et leur courage, pour avoir choisi de s’unir à nous, même juste pour un matin, pour avoir montré une lutte commune possible.
Dans un Turin où les attaques des patrons se font de plus en plus fréquentes et impitoyables - plus de rafles, plus de misère et de contrôles pour tous-, où l’intention du conseil municipal est de « balayer » les pauvres trop nombreux hors de San Salvario et Porta Palazzo, notre seule possibilité est de redécouvrir la solidarité de rue, la complicité de la lutte contre les oppresseurs communs, la resistance des exploités, italiens et étrangers unis, dans les quartiers. Descendre dans la rue pour empêcher les rafles, les expulsions, les tabassages est l’affaire de tous.*

Un autre printemps

Le printemps est finalement arrivé. Mais cette année, il a porté avec lui un vent mauvais, qui souffle fort sur les quartiers les plus pauvres de Turin et qui rend la vie de plus en plus difficile à ceux qui

sont arrivés dans cette ville pour y chercher une vie meilleure. Ce vent n’est pas du tout invisible, il a un prénom, un nom et une adresse : il s’appelle “Alto impatto”, il porte l’uniforme de la police, et vient du gouvernement à Rome, où le Ministre de l’Intérieur Scajola a annoncé l’ouverture officielle de la chasse aux immigrés sans papier. Bien que vieille de quelques mois, ce nouvel assaut aux clandestins a commencé à donner ses fruits les plus amers ces dernières semaines. Dans les rues, les bars et même dans les maisons de San Salvaio et de Porta Palazzo se succèdent sans arrêt les interventions de la police qui remplit le plus possible ses véhicules d’étrangers pauvres pour les porter au poste. Là, ils sont indentifiés et ceux qui ne sont pas expulsés aussitôt, ou enfermés dans le Centre de Détention Temporaire, rentrent à la maison avec en poche un avis d’expulsion pour la semaine suivante.

Ici, en ville, c’est arrivé à 158 albanais, presque tous « accompagnés » à la frontière, à une centaine de nigériennes, chargées en masse sur un boeing 777 en direction de Lagos, et aussi à beaucoup de roumains, marocains, algériens... L’ampleur de ces opérations est telle qu’il a fallu faire à la hâte des travaux d’aggrandissement du lager de Corso Brunelleschi - qui sera de toute façon transféré dans une structure beaucoup plus grande, parait-il au fond de Via Bologna.

Les déclarations très dures de Scajola sur l’immigration ont également permis des opérations si malséantes et lâches que beaucoup d’anciens dirigeants locaux auraient eu honte de les proposer. Pour donner une idée du climat de plus en plus pesant de ce printemps, on peut rappeler ce maire lombard qui a proposé une rançon sur les clandestins pour encourager les italiens à signaler leur présence à la police. Ou bien, le conseil municipal de Turin qui, par l’intermédiaire du chef de la police municipale, a annoncé la « tolérance zéro » pour les vendeurs ambulants et les gardiens de parking illégaux. Ou plus simplement, la rétorsion à laquelle sont soumis les bars des quartiers pauvres s’ils n’affichent pas « interdit aux repris de justice et aux sans papier ».

L’opération « Alto impatto » de Scajola sert non seulement à chasser le plus d’immigrés possible, mais aussi à terroriser tous les autres - clandestins ou pas - pour les faire tous vivre encore plus dans l’ombre, pour les rendre encore plus soumis et accomodants envers les patrons. Et apparement, quand le projet Bossi-Fini sur l’immigration deviendra une loi, ce climat sera permanent.

Pourra-t-on arrêter ce vent mauvais de printemps qui sème la peur dans les quartiers pauvres ? En attendant, il faut savoir de quoi il s’agit exactement. Et pour cela, il faut savoir que derrière les interventions de la police dans les bars de S. Salvario il n’y a pas seulement Scajola et ses collègues dans leur lointain gouvernement. Il y a aussi tous les groupes politiques qui attisent en ville la haine contre les immigrés. Il y a aussi tous ces consulats, comme par exemple celui du Nigéria, qui collaborent aux expulsions de l’Italie de leurs propres concitoyens. Il y a aussi tous les fonctionnaires, comme par exemple la responsable du bureau étrangers de la préfecture Rosanna Lavezzaro, qui organisent concrètement les rafles et les expulsions. Il y a aussi toutes les organisations, même humanitaires, qui travaillent à l’intérieur du lager de C.so Brunelleschi, toutes les entreprises qui fournissent le Centre en nourriture, équipement et services.

Ce n’est pas tout : en plus de la sévère répression élaborée par le Ministère de l’intérieur, il faut aussi penser que les Jeux Olympiques d’hiver de 2006 se rapprochent. Les dirigeants de la ville voudraient exhiber devant les caméras du monde entier un Turin décoré et propre, et c’est pour ça que dans les journaux on ne parle que des projets de restructuration de Porta Palazzo et de la zone de Porta Nuova. Des projets qui prévoient avant tout une normalisation de ces quartiers où les pauvres sont trop visibles et pas assez soumis, au point de « salir l’image de toute la ville ». Le maire est donc aussi responsable de cette chasse de plus en plus violente aux immigrés. Responsables aussi, la Fiat et toutes les entreprises et groupes de pouvoir qui accumulent beaucoup de sous grâce aux Jeux Olympiques.

Alors, qu’est donc ce vent mauvais de printemps qui souffle sur Turin ? C’est une grosse machine, avec tellement d’engrenages qui tournent ensemble, l’un relié à l’autre. Il restera insaisissable tant que les exploités ne sauront pas les identifier, ces engrenages qui tournent si près de nous qu’on peut les bloquer ; tant que chaque pauvre ne saura pas reconnaître qui alimente la peur ; tant que nous ne comprendrons pas tous que les discours sur la fraternité et sur la liberté ne sont que des paroles vides quand on vit à l’ombre des baïonettes.


Une révolte contre la souffrance mise sous silence

Pour atteindre la richesse et la grandeur il faut voler les pauvres et assassiner les faibles.

G.B. Shaw

Il y a des choses qui s’apprennent dans les livres, ou peut-être à l’école - certainement pas en regardant la télé - mais il y a aussi des choses qui s’apprennent seulement dans la dure réalité de la vie quotidienne. Parmi ces choses il y a la vie de l’étranger, l’immigré, pas le touriste : une personne qui a laissé ses racines, sa communauté ; qui pour une raison ou une autre a été obligée de changer, à la recherche de travail, pour se nourrir et nourrir sa famille, ou à la recherche de tranquillité ou d’une nouvelle vie pour fuir la misère ou la répression d’une dictature, ou d’une pseudo-démocratie.

Mais aussi ici en Italie - en Europe - dans cette soit-disant démocratie, l’immigré retrouve la même situation qu’il avait laissé : travailler dur au profit d’un patron. Mais ici sa condition précaire et l’isolement l’obligent à accepter un salaire plus bas, dans des conditions pires que les autres travailleurs italiens. A leur tour, ils seront obligés d’accepter des conditions de pires en pires, parce que la liberté de l’individu de se vendre sur le marché du travail réduit la liberté de tous les autres travailleurs et surtout augmentent les profits de ceux qui exploitent ce travail. Malgré ceux qui pensent, ou veulent faire croire, que ce sont les immigrés les responsables.

Les immigrés, comme les italiens, vont travailler et paient des impôts, mais en plus ils ont la peur permanente d’être licenciés, quelle qu’en soit la raison. De plus, quand ils débauchent, ils ne savent même pas où aller pour se laver ni où aller pour dormir parce que personne ne veut leur louer un appartement à un prix « presque » normal, sans leur demander six mensualités d’avance ou autres obligations absurdes, ou parce que les dortoirs où ils sont souvent obligés de « vivre » ne sont que des trous à rat / prisons payants (150 euros par mois par personne pour une pièce de 14 lits, sans pouvoir recevoir d’autres visites que celles de la police qui contrôlent leurs affaires). Pourtant, malgré ces conditions précaires, le lendemain ils doivent retourner au travail, s’ils ne sont pas licenciés, ou carrément expulsés. Car tant qu’ils travaillent, ça n’a pas d’importance si les immigrés se lavent : le porc pue, mais sa viande est bonne à manger.

Et à penser à manger il y a aussi le rapace qui spécule sur leurs problèmes en faisant passer pour aide une aumône qui sert seulement ses intérêts politiques. C’est le cas de « Fratelli d’Italia » qui flairant l’affaire des immigrés s’est empressé d’empocher des centaines de milliers d’euros provenant de fonds européens et gouvernementaux, censés résoudre les problèmes des immigrés, mais qui n’ont rien reçu, comme dans les cas des coopératives sociales du type « Vita Nuova », « Nomisma » et beaucoup d’autres, vrais rackets seulement généreux dans l’exploitation des immigrés.

A ces maires qui se sont fait connaître pour leur racisme envers nous ; à l’opposition qui s’est cachée derrière le racisme de ces maires pour rien faire ; aux politiciens de toutes les couleurs pour qui nous ne valons quelque chose qu’à l’approche des élections, à tous les rapaces qui veulent faire du profit sur notre dos, nous, immigrés, nous avons répondu en occupant l’ex-Secco, l’usine abandonnée de Via Pozzette à San Trovaso di Prezanziol, sans demander l’aumône à personne. Même si ce n’est pas vraiment une maison, pour nous c’en est une, un toit sous lequel dormir, comme l’ont tous les habitants de ce pays.

Le droit de vivre ne se mendie pas. Il se prend.

Des immigrés en colère...

Notre coer en Palestine

Plus d’un an est passé depuis le début de l’Intifada, et la situation en Palestine est de plus en plus tragique. Les chars d’assaut israëliens continuent d’encercler et d’assiéger les villes et les villages

palestiniens, laissant derrière eux ruines, cadavres et désespoir dans une population désormais épuisée par des semaines d’isolement, privée d’eau, de nourriture et de médicaments. Les nouvelles sur l’isolement d’Arafat et sur le siège de la Basilique della Natività dissimulent la poursuite des arrestations ainsi que les massacres dans les villages et les camps de réfugiés. Le sang continue donc de couler en Palestine, dans une logique de mort, de haine et de vengeance qui pousse des dizaines de jeunes palestiniens - épuisés par des années de violence et de misère - à se faire exploser dans les villes israëliennes ; aussi, après chaque opération suicide, les palestiniens sont immédiatement réprimés, dans un cercle vicieux qui n’en finit plus.

Après les attentats du 11 septembre, Israël a décidé de profiter de la nouvelle situation : avec l’excuse de la lutte au terrorisme, les Etats Unis ont pu bombarder l’Afganistan, mais avec l’équation « palestinien égale terroriste », Israël ouvre la voie à la déportation et l’extermination de milliers de personnes. En résumé, à un génocide. Les puissances occidentales, les Etats Unis en tête, ne peuvent donc pas totalement condamner les positions de Sharon mais face à l’opinion publique elles en désapprouvent les excès. En appelant le gouvernement israëlien à la modération et en envoyant des missions diplomatiques au Moyen Orient, les pays occidentaux jouent le rôle international de médiateurs. Pourtant, il n’y a pas de quoi avoir besoin d’un médiateur et la seule solution possible pour protéger les intérêts en jeu dans ces territoires semble être l’envoi d’une force d’intervention multinationale, comme cela avait été fait il y a quelques années en ex-Yougoslavie. On remplacerait les chars et les soldats israëliens par des chars et des soldats européens et américains : peut-être qu’eux feront s’écrouler moins de maisons ; peut-être qu’ils tueront moins de personnes mais c’est clair que les chars européens n’apporteront jamais la liberté aux palestiniens. Au maximum, ils leur donneront un Etat.

Mais, malgré ce que beaucoup pensent, ça ne changera pas beaucoup le problème. Tout Etat, pour exister, doit être en mesure d’exercer son pouvoir sur une population la plus homogène possible en ce qui concerne la langue, la culture, la religion. Une population qui obéisse à ses lois, qui utilise sa monnaie, qui se reconnaisse dans ses mythes fondateurs. Et quand il n’y a pas cette homogénéité, on l’impose par la force : le génocide, même seulement culturel, ou la déportation des populations qui ne se conforment pas sont à l’origine de presque tous les Etats modernes. Les dix dernières années de l’ex-Yougoslavie en sont une démonstration sanguinaire, mais aussi le génocide des indiens d’Amérique et toutes les guerres inconnues qui ont suivi la chute de l’Union Soviétique n’échappent pas à cette logique. Sur une terre comme la Palestine, une terre où des peuples et des cultures différentes ont vécu ensemble pendant des siècles, « Etat » est forcément synonyme de « génocide ». La violence des chars israëliens en sont la preuve. Et si demain la Palestine s’appelle Etat, il ne faut pas croire que ses chars soient plus appréciés.

Être solidaires et complices des luttes des opprimés ne veut pas donc dire être pour un nouvel Etat, tout comme soutenir les révoltes des exploités palestiniens ne signifie pas soutenir Arafat ou n’importe quel autre dirigeant. Ceux-ci défendrons toujours les intérêts des classes dominantes arabes qui prétendent seulement à l’exploitation des prolétaires palestiniens. Les premiers à faire les frais de la création d’un Etat seraient justement les palestiniens rebelles, comme nous l’a démontré l’Autorité Nationale de Arafat qui a tiré sur la foule, a arrêté et torturé les dissidents.

Toujours est-il que, durant les jours passés, ceux qui se font massacrer sont les palestiniens et que pour arrêter ce génocide il faut affaiblir l’Etat israëlien, toucher ses intérêts, ses structures, partout. Comprenons-nous bien, les intérêts de l’Etat israëlien. Ceux qui confondent l’Etat israëlien, son gouvernement, son économie avec les juifs raisonne encore dans la logique du génocide. Notre coeur est en Palestine et nous comprenons ceux qui sont encore plus bouleversés que nous par le massacre là-bas. Mais crier dans les cortèges « juifs, tremblez... », comme ça arrive souvent ces derniers jours, n’est pas vraiment utile à la cause des exploités palestiniens. Bien qu’elle nous semble lointaine, la seule sortie de cette logique de mort, qui sacrifie les pauvres pour les intérêts des Etats, est la lutte commune des exploités palestiniens et israëliens contre leur patrons, et tout d’abord contre l’Etat d’Israël. Le rêve d’une Palestine libre, d’une terre où puissent vivre ensemble arabes et juifs sans exploitation et sans autorité, est un rêve qui a illuminé pour un courte période les exploités des deux côtés. Et c’est un rêve que nous devons plus que jamais retrouver.

À l’ombre des baïonettes

Des troupes noires traversent San Salvario et Porta Palazzo. Elles cherchent les pauvres les plus pauvres, exigent papiers et permis de séjour, arrêtent, perquisitionnent et expulsent. Dans nos quartiers le temps n’est plus rythmé par le lever et le coucher du soleil, mais par ces rafles devenues si normales et quotidiennes qu’elles n’ont plus besoin de justification, de motif officiel, qu’elles ne méritent même pas quelques lignes dans les pages de La Stampa. Avant, les journaux parlaient de sauvegarde de la tranquilité du quartier et de répression des clandestins — parmi lesquels se cachent des intégristes islamistes et des petits criminels. Maintenant ces journaux se taisent parce qu’il est de plus en plus évident que ce à quoi nous assistons est l’occupation militaire de certaines zones de la ville, occupation qui n’est pas seulement destinée aux clandestins et à ceux qui vivent de traffics illégaux. Bien sûr, dans un quartier occupé par la police, les clandestins sont obligés de se cacher et les traffics illégaux doivent changer de zone au moins pour quelques heures, mais ce n’est pas tout. Ces rafles touchent aussi les immigrés en règle, faisant place à un discours, issue de la peur, qui fait plus ou moins ainsi : "Les italiens nous en veulent parce qu’ils voient en nous tous des criminels. Mais nous sommes ici pour travailler et vivre tranquilles. Nous devons donc nous mettre à distance de ceux qui sont débarqués avec nous mais qui n’ont pas de permis de séjour ou qui se droguent, salissant l’image de tous. Nous devons les isoler et quand ils sont arrêtés ou expulsés par la police nous devons rester dans un coin sans rien dire. C’est seulement ainsi que nous prouverons aux italiens que nous sommes de bonnes personnes et que nous serons enfin acceptés." Surtout diffusé dans le monde des associations et très clairement présent dans les positions de l’imam Bouchta, ce discours non seulement affaiblit l’ensemble des immigrés — creusant ainsi un fossé irréparable entre les "régularisé" et les "irrégularisés", et ouvrant la porte à des luttes intestines — mais il est aussi basé sur des faux présupposés. En effet, la peur de beaucoup d’italiens envers les étrangers n’est pas directement liée au comportement réel des immigrés. C’est vrai que, d’un côté, dans certaines zones de la ville, il n’est pas toujours facile de marcher la nuit et que les problèmes de rue sont souvent créés par des étrangers. Mais c’est également vrai que s’ils n’étaient créés que par des italiens, il y aurait toujours la peur envers les étrangers, car cette peur est alimentée à dessein par les journaux, la télévision et les discours des politiciens pour concentrer sur les immigrés toutes les préoccupations qu’ont les italiens dans une situation sociale de plus en plus incertaine et précaire. Il est donc inutile que les immigrés prennent leurs distances avec les personnes qui parmi eux sont considérées comme méchantes : même s’ils le font, ils n’ont aucune possibilité d’être vus d’un meilleur oeil.

En réalité, quand le maire dit "soyez sages, ou bien on vous vire", ça ne signifie pas "ne dealer pas, ne vous battez pas à coups de couteaux, ne soutenez pas Bin Laden". Il veut surtout dire "acceptez ces conditions de vie et de travail que les exploités italiens ne veulent pas encore accepter, sinon il n’y a plus de place pour vous. Les permis de séjours périment vite, et vous vous retrouverez alors traqués par la police. C’est nous qui commandons, souvenez-vous en bien et nous vous le prouvons en déployant nos armées dans vos quartiers". Les rafles de ces derniers mois touchent donc l’ensemble des immigrés, pas seulement certains. L’occupation militaire de San Salvario et de Porta Palazzo ne sert pas seulement à donner la chasse aux clandestins, elle sert à faire peur à tous. Aussi aux italiens : d’un côté elle leur faire croire encore plus que c’est la présence des étrangers qui a fait empirer leurs conitions de vie, qui les rend incertains sur leur futur et qui les isolent ; d’un autre côté elle les habitue à vivre à l’ombre des baïonettes et leur rappelle que n’importe qui, étranger ou non, peut devenir clandestin et être traqué par la police au moment où il veut en finir avec sa peur auprès de ceux qui l’ont créée, c’est à dire les patrons.

Alors, on peut en conclure que les troupes noires qui parcourent nos quartiers sont là pour frapper l’ensemble des exploités. Si aujourd’hui ils arrêtent ou expulsent quelqu’un, c’est pour avoir les mains libres demain avec tous les autres, dans une ville de Torino où nous serons tous clandestins.


IL VIAGGIO (italien)

 
 

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